histoires decomores

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UN TEMOIN DE L'INSURRECTION ET DE LA REVOLUTION PARLE ENFIN

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En janvier 1976 Ali Soilihi devient officiellement président du conseil révolutionnaire. Nous avons retrouvé Ibrahim Cheikh témoin privilégié de l'insurrection populaire du 03 août 1975 et de la révolution. Mais il  évite de remuer le couteau dans l'assassinat du Mongozi. La part effective de l'assassinat du Mongozi , dit il n'est pas humainement endurable. Sa foi à la révolution du 03 août 1975 demeure inébranlable. Il est catégorique ''s'il fallait refaire la révolution je suis partant''.

MBADAKOME : Comment Ali Soilihi était assassiné le 29 mai 1978 à Mdrodju ?

I.Cheikh:désolais, je n'aime pas parler de cette journée parce que le 29 mai est humainement insupportable .Je pourrais te parler même pendant des heures, des journées mais des événements qui se sont déroulés avant le 29 mai. Je peux vous expliquer ce qui rassemble les Komoriens,ce que nous avons réalisé en moins de deux ans avec nos peu de moyens et nos neurones pour conscientiser les komoriens et, au – delà, faire naître le panafricanisme sur le continent africain. A l'époque nous comptions d'abord sur nos propres moyens. Je ne parlerai que de ça.

MBADAKOME: vous pouvez cas même nous dire ce qui s'est réellement passé ce 29 mai ?

I.Cheikh : je suis catégorique, je ne parle pas de ce qui divise notre peuple. Le Mongozi disait ''nari diwaze mbapviza tareh, ne mabesheleya mdru yarendwa nayi''.Le 29 mai est banni dans mon langage.

MBADAKOMEEst-ce que vous avez vu venir le coup d'état du 13 mai 1978 ?

I.Cheikh  Je crois qu'on doit passer à autre chose sinon l'interview s'arrête ici. Nous n'étions pas des wagangi pour lire dans les étoiles. Nous sommes des cartésiens. Parlons d'autre chose.

MBADAKOME: vous étiez aux côtés du guide de la révolution, vous faisiez quoi au juste ?

I.Cheikh :  j'ai été membre de la jeunesse de l'UMMA ,j'ai ensuite pris part à l'insurrection populaire du 03 août 1975.J'étais en contact avec toutes les organisations qui tournaient autour de la révolution.

MBADAKOME: on dit aussi que vous voyez le Mongozi presque tous les jours...

I.Cheikh ; N'exagérons rien .Mais je le voyais souvent.

MBADAKOME: quel souvenir avez-vous de fundi Ali ?

I.Cheikh : beaucoup de souvenirs de lui. Il restera dans mon esprit jusqu'à mon dernier souffle. Je n'ai pas de souvenir d'Ali Soilihi je le vis. Trop de richesses positives. Plus qu'un frère, c'était notre guide, notre inspirateur, celui qui montrait la voie de la révolution. Quand on sort de son bureau, on a les batteries rechargées d'énergies. On n'avait pas ce pessimisme qui rongeait les autres. Il vous galvanise et vous accompagne jusqu'au bout. Il avait un management apprécié de tous ceux qui l'approchent.

MBADAKOMEIl dérangeait beaucoup du monde...

I.Cheikh : Ali Soilihi disait les choses sans détour. Il gênait. Devant lui, vous êtes face à votre miroir. Il projette votre reflet, il est sociable mais il ne pardonne pas la moindre erreur. Il est direct et il vous dit ce que personne n'ose te dire comme la glace vous dépeint ce que vous êtes réellement.

MBADAKOME : vous va-t-il dit des choses qui vous ont dérangé ?

I.Cheikh : Grâce lui j'ai changé beaucoup sur mon comportement, erreurs de jeunesse.

MBADAKOME: oseriez-vous  lui dire certaines vérités ?

I.Cheikh : je connaissais Ali Soilihi avant de devenir président. Je savais m'accommoder avec lui dans toutes les situations. Je viens d'une région où nous sommes clairs dans nos gestes et propos. Je sais qu'il aime qu'on lui dise la vérité. Depuis Mranda et Umma , quand il m'envoie quelque part ,il veut un compte rendu clair , net et précis. J'étais comme une caméra j'enregistrais toutes les choses importantes et insignifiantes.

MBADAKOME : quelle est sa réaction ?

I.Cheikh ; Il appréciait cette façon de rendre avec fidélité ce qu'on voit.

MBADAKOME: Ah oui ?

I.Cheikh : il aimait la transparence .Mdrodju est le centre névralgique des décisions. Quand le renseignement est carré, loyal et objectif ça émerge dans les décisions. Quand on va chez le toubib et qu'on ne décrit pas bien le mal dont on souffre, le docteur va faire  une mauvaise diagnostique et donner un médicament non approprié. C'était sa façon de travailler. Nous ne faisons pas plaisir à tout le monde. Nous voulions changer les mentalités et les habitudes qui étaient encrés dans les têtes des gens depuis des siècles. Il y avait beaucoup de décisions qui ne plaisaient pas .Gouverner ce n'est pas plaire. Il fallait avancer. Il a commis des erreurs et qu'il n'a pas hésité à reconnaître pour repartir sur des nouvelles bases. Il aimait les critiques et autocritiques.

MBADAKOME: croyez-vous qu'il n'était pas au courant du coup d'état .Et pourquoi il n'a pas su le déjouer ?

I.Cheikh:Ali Soilihi était un général, il a fait une formation militaire en Algérie. Il sait ce que nous ne savons pas.Certaines personnes disent qu'il n'a pas vu venir le coup d'état du 13 mai . Ils ont droit de penser ce qu'ils veulent. Mais je ne suis pas si sûr. Il est mort ça nous avance en quoi de savoir s'il savait ou pas.

MBADAKOME : gouverner c'est prévoir les crises et trouver les solutions ...

I.Cheikh : Notre ennemi n'a jamais caché ses intentions de déstabiliser le pays. Mais je préfère  parler des choses positives. Ne restons pas sur le naufrage, parlons plutôt du bateau avant le naufrage.

MBADAKOME : Est-ce que vous voulez nous raconter un peu du bateau Komor avant le naufrage...

I.Cheikh : le capitaine avait pris le bon cap dès les premiers jours. Aux premières secousses certains ont commencé à abandonner le bateau. Quand on a quitté le port tout allait bien. Partout on sentait que le peuple adhérait au changement. Nous avons rompu avec l'ancien système. Le pays est devenu un vaste chantier. Les komoriens avaient renoué avec le goût du travail. La France partie il fallait travailler deux fois plus et gagner deux fois moins. Dans l'agriculture, l'élevage, la pêche, on voyait que ça bougeait de partout. Quand on participait aux meetings du Mongozi dans les bavous avec les paysans, on tremblait, on avait le frisson. C'était de l'inédit. Nous avons dénoncé l'impérialisme, le féodalisme et les us et coutumes qui freinaient le développement du pays. Beaucoup de nos adversaires reconnaissent que le Mongoz était un homme intègre, un vrai compatriote voué à son pays. Nous avons bousculé les mauvaises mœurs des gens et de la bourgeoisie. Nous avons rencontré de la résistance et c'est normal ils ne voulaient plus perdre leurs privilèges. En un mot le bateau a mis le cap sur Domba. Un passager du bateau ne parlera pas mal du voyage que nous effectuons.

MBADAKOME : beaucoup disent que c'était du travail forcé...

I.Cheikh : A l'époque on apportait du ciment, du sable, des fers pour construire nos régions et nos village, c'est du travail forcé .D'accord ! Aujourd'hui la population en particulier la diaspora construit des écoles, des centres médicaux, des routes, on électrifie nos villages et le pouvoir vient inaugurer, on leur prépare un grand festin .Vous appelez ça quoi? Du vol !

MBADAKOME: le bateau a rencontré des avaries, la révolution avait son côté négatif ...

I.Cheikh:Je ne suis pas là pour  justifier la révolution dans tous les points. Comme dans tout mouvement populaire, comme dans une fête, il y a des ordures qu'on jette à la poubelle. Nous avons commis des erreurs .Pendant la révolution française il y a eu 500 000 personnes emprisonnés ,100 000 exécutés, alors Jean François (la France) n'a pas de leçon à nous donner sur les droits de l'homme.

MBADAKOME : vous n'êtes pas pour les droits de l'homme ?

I.Cheikh : Nous sommes musulmans, la vie est précieuse, nous étions venus pour changer la vie du komorien comment pouvez-vous soupçonner un seul instant vouloir sa mort. 2 ans d'indépendance c'est trop court .Vous savez combien Jean François (la France) a tué au Cameroun, à Madagascar...? Et aujourd'hui il y a combien de mort chaque mois entre Anjouan Mayotte? Quand ce sont les nègres qu'on tue personne ne s'émeut .Aujourd'hui à Paris, Marseille comment est la vie du clandestin nègre ? Donc, l'histoire des droits de l'homme marche d'un côté pas de l'autre .Bob peut venir assassiner nos présidents et la justice française ne dit rien. Nous avons déclenché une révolution, donc apportons des transformations .C'est un idjundu qui a soufflé, il a tout emporté.

MBADAKOME: En 2 ans quelles sont les transformations importantes que vous avez réalisé ?

I.Cheikh : les komoriens étaient fiers d'appartenir à un pays Komor. La décentralisation ; chaque bavu avait son administration, son collège, sa justice, sa prison, sa centrale énergique, sa ferme agricole. Nous avons engagé le projet d'autosuffisance alimentaire. Il avait 3 grilles salariales: Smig à 6 000fk, cadres moyens 25 000fk cadres supérieurs dont le président 60 000fk. Il y a eu l'émancipation de la femme et de la jeunesse. Nous avons lancé la lutte contre l'illettrisme, contre la pauvreté, la faim et la maladie. Les 3 ministres venaient au travail dans le même mini car avec ses collaborateurs. Un ministre c'est un monsieur tout le monde. Il va travailler dans le mudiriya comme tous les komoriens. Il met la main dans la pâte.


suivre la deuxième partie!



19/04/2015
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